Le Muscat de Rivesaltes, dont l’appellation fut initialement reconnue par décret le 29 août 1956, est un vin doux naturel puissant et intense. Sa robe évolue depuis l’or pâle lorsqu’il est encore jeune vers des tons ambrés en prenant de l’âge. Le Muscat de l’année est nommé Muscat de Noël, il est commercialisé depuis le troisième jeudi de novembre et jusqu’à la fin de janvier.
Aire géographique
La récolte des raisins, la vinification, l’élaboration, l’élevage et le conditionnement de ce vin doux naturel sont assurés sur les départements de l’Aude et des Pyrénées Orientales.
La zone géographique se situe au sein d’un vaste amphithéâtre ouvert à l’est vers la mer Méditerranée et délimité par un ensemble de hauts reliefs :
- À l’ouest, le massif du Canigou et son pic d’une altitude de 2780 mètres,
- Au sud, le massif des Albères et son Roc de France d’une altitude 1450 mètres,
- Au nord, le massif des Corbières et son mont Tauch d’une altitude de 878 mètres.
L’aire géographique du Muscat de Rivesaltes s’étend sur le territoire de 89 communes des Pyrénées Orientales et 9 communes de l’Aude. Le paysage est façonné par l’érosion, modelé par des dépôts successifs consécutifs à des intrusions marines.
Les sols sont très variés et ont pour caractéristiques d’être peu épais, très secs, pauvres en matières organiques, toujours très caillouteux et bien drainés. Les parcelles où pousse le Muscat de Rivesaltes sont constituées de terrasses de cailloux roulés, composés d’argile et de calcaire, ainsi que de la dégradation de schistes et de sable.
Le climat
Le vignoble du Muscat de Rivesaltes bénéficie d’un ensoleillement annuel de plus de 2500 heures. La pluviométrie est inégale, alternant des épisodes secs et des épisodes orageux au printemps et à l’automne. Elle se situe entre 500 et 600 millimètres.
Comme sur toute la région, la Tramontane règne et bat la campagne plus d’un jour sur trois. Ce vent de nord-ouest souvent violent est particulièrement froid l’hiver à cause de son passage sur les sommets enneigés des Pyrénées.
Toutefois, la mer à proximité tempère le climat, apportant douceur en hiver et fraîcheur en été.
L’histoire du vin doux
On retrouve déjà dans les écrits de Pline l’Ancien des allusions à la production de vin doux dans la région narbonnaise en 79 avant Jésus Christ. Mais c’est véritablement au XIIIe siècle que l’on retrouve la trace de l’élaboration de vins doux naturels par « mutage du vin par son esprit » grâce au témoignage de Arnau de Vilanova (1238 – 1311) qui est l’initiateur de l’utilisation de l’eau de vie pour arrêter la fermentation du vin.
Le muscat est déjà mentionné dans les archives du XIVe siècle. Pierre IV le Cérémonieux, roi d’Aragon et compte de Roussillon de 1336 à 1387, avait coutume d’en commander de grandes quantités. Son fils Jean 1er qui lui succède de 1387 à 1396, perpétue la tradition en se faisant expédier le muscat par terre et par mer en son palais de Valence.
Au XIXe siècle, la production profite d’une législation particulière qui a pour but d’en conserver l’originalité. En 1872, la loi Arago reconnaît l’existence de ce vin dont le titre alcoométrique volumique doit être compris en 15 et 18%.
En 1898, la loi Pams réserve l’utilisation de la mention traditionnelle « vin doux naturel » aux vins qui « auront la possibilité d’être maintenus sous le régime des vins, moyennant paiement d’un demi-droit de consommation de l’alcool employé au mutage ».
Enfin, la loi Brousse du 15 juillet 1914 précise les cépages habilités à produire du vin doux naturel. Les premiers décrets de reconnaissance en appellation d’origine contrôlée pour les vins doux naturels sont promulgués le 6 août 1936.
À cette époque, toutes les appellations d’origine contrôlée reconnues doivent être complétées par la mention « Muscat ». C’est pour cela que l’on commerce à l’époque du Muscat de Banyuls, Muscat du Haut Roussillon, Muscat de Maury, Muscat des Côtes d’Agly ou Muscat de Rivesaltes.
En 1953, les opérateurs du négoce demandent à ce que ces mentions soient regroupées sous l’appellation unique « Muscat de Rivesaltes », Rivesaltes étant le siège de la majorité des chais et des négociants. Un décret entérine leur requête le 29 août 1956.
Depuis cette date, la production de Muscat de Rivesaltes s’est progressivement recentrée sur le secteur maritime audois autour de Leucate et dans le département des Pyrénées Orientales, sur le Crest, grand plateau de cailloux roulés émergeant entre Rivesaltes et Salses, sur les terrasses de la vallée de l’Agly.
EN 2009, le vignoble couvre une superficie de 5000 hectares pour une production moyenne de 130000 hectolitres, soit les deux tiers de la production totale des appellations d’origine contrôlées portant l’indication « Muscat » en France.
La tradition de consommer familialement le « Muscat de l’année » à l’occasion de la nativité s’est perpétuée autour de Rivesaltes. Elle fut consacrée en 1999 par la reconnaissance de la mention « Muscat de Noël » pour les vins conditionnés et mis en marché à destination du consommateur dès le troisième jeudi du mois de novembre de l’année de la récolte. En 2009, cette production représente environ 3000 hectolitres élaborés par une centaine de producteurs.
L’élaboration du Muscat de Rivesaltes
Le choix du raisin
Les vins appelés Muscat de Rivesaltes sont issus des cépages de muscat à petits grains B et muscat d’Alexandrie, cépage plus tardif. La charge maximale moyenne à la parcelle ne peut pas dépasser 6000 kilogrammes par hectare.
Les raisins sont récoltés à bonne maturité à des dates fixées par le code rural selon trois zones géographiques. Les moûts doivent présenter une richesse naturelle minimale en sucre de 252 grammes par litre, avec un rendement maximal fixé à 40 hectolitres de moût par hectare.
L’appellation n’est réservée qu’aux vins provenant de parcelles bien définies :
- Parcelles de jeunes vignes à partir de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la plantation a été réalisée en place avant le 31 juillet,
- Parcelles de jeunes vignes à partir de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle le greffage sur place a été réalisé avant le 31 juillet,
- Parcelles de vigne ayant fait l’objet d’un surgreffage au plus tôt la première année suivant celle au cours de laquelle le surgreffage a été réalisé avant le 31 juillet, et dès que les parcelles ne comportent plus que des cépages admis pour l’appellation. Par dérogation, l’année suivant celle au cours de laquelle le surgreffage a été réalisé avant le 31 juillet, les cépage admis pour l’appellation peuvent ne représenter que 80% de l’encépagement de chaque parcelle en cause.
Transformation, élaboration, élevage, conditionnement et stockage
Les vins sont obtenus par mutage du moût en cours de fermentation. Il est réalisé par apport d’alcool neutre vinique titrant au minimum 96% vol., dans la limite, évaluée en alcool pur, de 5% minimum et 10 maximum du volume de récolte du moût.
Des compléments de mutage peuvent être réalisés dans la limite d’un apport total de 10% en alcool pur, avant la déclaration de revendication.
Toute opération d’enrichissement est interdite, ainsi que l’emploi de pressoirs à vis hélicoïdale. Tout opérateur doit disposer d’une capacité de cuverie de vinification au moins équivalente au volume vinifié de la récolte précédente, à surface égale.
Le chai de vinification doit être doté d’un dispositif suffisant pour la maîtrise des températures des contenants de vinification.
L’étiquetage des bouteilles de Muscat de Rivesaltes
Les vins revendiquant l’appellation contrôlée Muscat de Rivesaltes doivent porter la mention « vin doux naturel ».
Le vins bénéficiant de la mention « Muscat de Noël » doivent obligatoirement porter l’indication du millésime.
Les caractéristiques du Muscat de Rivesaltes.
Les vins jeunes ont généralement une couleur or pâle et des arômes évoquant souvent les fruits à chair blanche, les agrumes frais, les fruits exotiques, la menthe, les fruits secs ou la rose.
Conservés en bouteille, avec le temps, la robe prend des reflets ambrés et les arômes évoluent notamment vers des notes de miel, de fruits et d’agrumes confits.
La conjonction d’un climat sec, très ventilé et chaud, et de sols pauvres, drainés naturellement a permis l’implantation des cépages exigeants au niveau sanitaire et exigeants en température et ensoleillement, comme le sont les cépages de muscat à petits grains B et surtout le muscat d’Alexandrie, qui trouve, au sein de la zone géographique, son seul point d’ancrage français.
Cela favorise la production de raisins présentant une teneur élevée en sucre et exprimant un potentiel aromatique terpénique riche.
Fin et frais, le cépage muscat à petits grains B apporte des parfums riches rappelant les fruits exotiques, la menthe et le citron. Puissant et intense, le cépage muscat d’Alexandrie donne de l’ampleur aux vins et apporte notamment des arômes rappelant les fruits mûrs, les raisins secs et la rose.
Les caractéristiques aromatiques et liquoreuses à l’origine de la notoriété du Muscat de Rivesaltes sont révélées par le savoir-faire du producteur et sa maîtrise de la pratique du mutage.
Afin de préserver le potentiel aromatique des vins, ils sont conditionnés dans la zone géographique délimitée et dans la zone à proximité immédiate dans des contenants adaptés. La volonté des producteurs est de garantir et sauvegarder la qualité et la spécificité des produits et par conséquent la réputation de l’appellation d’origine contrôlée.